Dans un centre de santé pour la mère et l'enfant à Basra. Crédit : MLK
Dans un centre de santé pour la mère et l'enfant à Basra. Crédit : MLK

Aux portes de la Mauritanie, les gouvernements enchaînent sensibilisation sur sensibilisation depuis des mois, avant même d'avoir eu leurs premiers cas, comme le voisin malien, tandis que chez nous, le silence et le manque de vision des autorités font peur, dans l'éventualité d'une apparition fut-elle minime, de cette pandémie sur le territoire.

Il y a un mois et demi, le cadre de l'UFP Lô Gourmo évoquait la salle kafkaïne de dépistage et de prévention contre Ebola à la frontière avec le Sénégal à Rosso :

«Le spectacle est hallucinant. Dans un désordre indescriptible, les passagers sont mis en rang par deux ou trois personnes dans un couloir étroit, à côté de gendarmes assis à même le sol, la kalachnikov posés le long des murs à portée de mains, harassés par la chaleur étouffante d’une fin d’après d’hivernage tardif. « Au suivant ! ».

On entre et on n'en revient pas :Un monsieur enturbanné et en grand boubou bleu, tient dans ses mains nues, deux thermomètres blancs ergonomiques, et les tend sans dire un mot aux arrivants, tout en sueur le plus souvent, pressés chacun son tour, d’en fourrer un sous l’aisselle avant de payer à un gendarme rivé sur l’écran de son ordinateur, les mille ouguiyas exigés par aisselle et par personne.»

En dehors de se faire de l'argent sur le dos des usagers de la frontière, cela ne sert strictement à rien, sinon à souhaiter la bienvenue les bras grands ouverts à la pandémie qui met le monde entier en alerte. Même dans un tel contexte où le pire peut facilement arriver, et ce pour tout le monde, la mentalité samsara, typiquement mauritanienne, domine chez les autorités.

A l'Institut national de recherches en santé publique (INRSP, ex-CNH), l'heure n'est pas trop à l'anticipation des mesures à prendre en cas d'arrivée de l'épidémie. Interrogé sur la question, le directeur ne daigne même pas esquisser une réponse en langue de bois, et c'est le comptable (sic) qui me renvoie au ministère de la Santé, alors que c'est une de leurs principales prérogatives, si ce n'est la principale, que de veiller à éviter la propagation de pandémies sur le sol mauritanien.

D'autant plus que depuis quelques jours, la Mauritanie fait partie des 15 pays sélectionnés par l’OMS pour bénéficier d'une aide accrue pour prévenir la propagation de l'épidémie d'Ebola. «La Mauritanie n'est pas loin des trois épicentres de la crise sanitaire de l'Ebola, et les probabilités d'apparition de cas ne sont pas à exclure» explique dans un communiqué l'OMS à Nouakchott, qui argue également que ces derniers pays ont été choisis en fonction des routes commerciales et de l'état de leur système de santé.

Jointe au téléphone et par un mail à l'adresse professionnelle de son représentant à Nouakchott, l'OMS n'a pas réagi à mes sollicitations d'entretien pour en savoir plus sur d'éventuels préparatifs des autorités dans lesquels elle serait également impliquée.

Une sensibilisation qui tarde


Une aide qui devrait essentiellement intégrer des formations du personnel soignant mauritanien, globalement sous-qualifié, de la sensibilisation qui tarde à arriver, à travers, radios, télévisions, médias, affichages et porte-à-porte.

La seule réaction constante de la Mauritanie, à chaque apparition de cas, que ce soit au Sénégal ou au Mali, a été la fermeture de ses frontières. Un réflexe que les pays frontaliers avec les trois épicentres ont eux-même abandonné car totalement inefficace, l'expérience l'ayant démontré. Mais qui révèle, dans sa persistance, du manque de solutions de prévention et de prise en charge de la maladie en cas d'apparition en Mauritanie, par les autorités.

«Une forte campagne de sensibilisation des populations va être lancée dès aujourd'hui et rien ne sera laissé au hasard » assurait il y a quelques jours, sobrement le ministre de la santé, Ahmedou Ould Jelvoune, après l'apparition du cas de la fillette à Kayes, qui a entraîné la fermeture de la frontière avec le Mali. Bientôt deux semaines sont passées depuis et pas l'once d'un début de sensibilisation.

Au ministère de la Santé, après deux contacts avec la secrétaire du SG, et un appel au conseiller chargé de la communication, le professeur Cheikh Beiyh, d'abord «en mission à l'intérieur», qui de retour à Nouakchott se prépare pour un «voyage au siège de l'OMS», on se dit «volontaire pour parer au pire et que les médias seront un partenaire privilégié de la sensibilisation à venir». Nous sommes le jeudi 30 octobre. Autant dire que rien n'est en cours.

«La sensibilisation dans quelque secteur que ce soit, et pour quelque cas que ce soit, se fait en amont de l'objectif visé. Ebola est une menace réelle, et ça fait des mois déjà qu'une telle sensibilisation aurait dû être faite pour développer des réflexes de prévention face à cette pandémie; surtout dans une population analphabète comme la nôtre» soutient un médecin spécialisé en virologie qui a requis l'anonymat. «On devrait être dans l'urgence et préparer des rencontres de quartiers, des théâtres, des messages affichés, à la télévisions, à la radio, par porte-à-porte. Là on est encore dans l'attente» continue-t-il.

S'inspirer du Nigeria

Le pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigeria, a endigué l’épidémie d’Ebola en trois mois. Pas de miracle, mais une prise en charge efficace, et une campagne de prévention et d’information massive via les télécoms et sur Internet. Dans un pays de plus de 175 millions d'habitants, et une capitale Lagos de 20 millions d'âmes, la tâche se présentait herculéenne, et a été relevée à force de travail et d'organisation. Une vingtaine de personnes avaient ensuite été contaminées et 8 personnes étaient décédées du virus dans le pays. Il y a dix jours, l’OMS a déclaré que le virus était éradiqué dans le pays.

«Ils ont réussi grâce à une sensibilisation massive, et une chaîne de décision volontaire du sommet des autorités sanitaires, jusqu'à l'infirmier de province. Nous on en est encore très loin. L'alarme en réalité n'ayant pas encore été tirée de manière effective» affirme le médecin.

En d'autres terme, face à l'inertie des autorités locales, il n'y a pour les mauritaniens qu'une seule chose à faire : prier Allah que ce malheur nous préserve, car nous ne sommes clairement pas préparés à y faire face.

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