Crédit : DR
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Dans la société du «Chtary», de la rumeur transformée en information, de la vétille, largement relayée par les médias, les commentaires, sont autant lus que les articles-vecteurs eux-mêmes. Et c'est dans cette périphérie de l'information, de plus en plus sur les réseaux sociaux aussi, aux denses buissons, que vit caché, à l'affût, le troll mauritanien, drapé d'un «dahra» immaculé, le regard souvent vitreux. Portrait d'un fou (parfois folle) furieux du virtuel.

Un troll est un être présenté comme hideux, caricatural dans certains contes de fées occidentaux. Il vit seul ou en groupe, et serait illogique dans son comportement. Le parallèle est fait avec certains écrits du virtuel de l'internet où au cours d'une discussion sur un forum, ou dans les commentaires d'articles, éventuellement de statuts sur les réseaux sociaux, la polémique, l'outrance prime sur l'argumentation et les idées. L'illogisme et la caricature du troll des contes sont là.

En cherchant la définition du troll dans son sens lié à internet, voilà ce qu'on nous en dit : «En argot Internet, un troll est un message (par exemple sur un forum, dans un commentaire d'un article) dont le caractère est susceptible de provoquer des polémiques. Le mot troll peut également faire référence à un débat conflictuel dans son ensemble, soulevé dans cet objectif. L'expression peut aussi s'appliquer à une personne qui participe à une discussion ou un débat dans le but de susciter ou nourrir artificiellement une polémique, et plus généralement de perturber l'équilibre de la communauté concernée.»

Voilà pour les caractéristiques qu'on retrouve pour les trolls du monde entier. Les spécificités du troll mauritanien ? Son discours est greffé sur l'extrêmisme ambiant de la société mauritanienne. Il réfute complètement l'argumentaire d'un article, d'un commentaire ou d'un statut, mais en ne se basant sur aucune logique, en déformant même les propos antérieurs tenus par l'interlocuteur du moment, pour les rendre conformes à la polémique qu'il se prépare à déclencher. Ils oeuvrent avec une méthodologie que leur envieraient les trolls du monde entier. D'argumentation? Il n'en est point question ! De construction verbale ? Il préfère les postillons à foison.

Un exemple récent assez illustratif sur un réseau social, où Mekfoula Mint Brahim, grande activiste dans le dialogue inter-communautaire, place sur son mur une photo culturelle d'une scène dans un village du sud, avec un commentaire positif sur cette image. Réponses appréciant la photo, mais dans ce fil, le déluge des trolls n'a pas tardé et tous les mécanismes décrits plus haut se déclenchent : on l'accuse ouvertement de prôner un «état du Walo», et on lui rétorque que cela n'arrivera «jamais», «quitte à se battre jusqu'au bout». De quoi était-il question pour déclencher autant de haine, dont seules les touches du clavier du troll ont dû ressentir la douleur ? D'une simple photo qui magnifiait la culture d'une des communautés de ce pays. Il était soudain question «d'atteinte à l'intégrité» de l'état. Un maelstrom de délires qu'on ne sait pas comment atténuer sur le moment. Et c'est le but recherché : oblitérer à tout prix le dialogue et la construction argumentée, et faire revivre d'éventuels clichés nourris par une désinformation, ou une méconnaissance d'autrui.

Cela entre tout à fait dans la logique du psychisme des trolls d'internet, qui est depuis peu un sujet d'études. «Il en ressort une corrélation entre le comportement de troll et le sadisme, la psychopathie et le machiavélisme. Parmi ces traits, le sadisme est celui qui est le plus fortement lié à l'activité de troll. Cela conduit les auteurs d'une étude à décrire les trolls comme une manifestation sur Internet du sadisme ordinaire» dit la conclusion d'une de ces études. En l'occurrence, le virtuel est l'occasion pour ces êtres de délier leur imaginaire, leurs désirs, leurs haines les plus profondes.

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