Tribune : De Walata à Inal, Jreida à Guantanamo

Walata, Inal, Jreida font partie de la carte de la géhenne mauritanienne tristement célèbre en raison de leurs catalogues d’atteintes graves aux droits humains.

Pourquoi Guantanamo sur la carte de la Géhenne Mauritanienne ? Notre compatriote Mouhamedou Ould SLAHI ou confrère pour certains, apporte la réponse à tous ceux qui se posent la question.

Cette citation est un extrait de son best-seller « Les carnets de Guantanamo » paru en France le 21 janvier 2015 aux éditions Michel Lafon. Une partie de la quintessence de l’historiographie des crimes en Mauritanie, arme redoutable contre les tortionnaires comme "l’enfer d Inal", "j’étais à WALATA", sans parler des articles de "conscience et résistance" :

« Au mépris de toutes les garanties prévues par la loi, mon pays m’a livré aux Etats-Unis comme si j’étais une sucrerie ». Les américains m’ont envoyé en Jordanie pour y être torturé puis a Bagram et enfin [ … ] Je vis hors du monde depuis quatre ans.

Pourquoi ? Parce que les hommes ne servaient ni l’état, ni le régime, ni la nation mais un système.

"EN GAGNANT MON PAIN"

C’est le titre du livre ou le russe Maxim Gorki raconte les souffrances vécues pour gagner sa vie. Chez nous les hommes du système nous ont fait souffrir pour gagner leur vie.

Pour ceux qui avaient des doutes ou l’ignoraient, le Colonel Ely Ould Mohamed Vall, Directeur General de la Sûreté Nationale sous le règne de Maawiya puis Président du transi de 2005 à 2007 nous apporte des éclaircissements dans sa citation au palais présidentiel en aout 2005 devant des journalistes, des hommes politiques et des défenseurs des droits de l’homme.

« La parole c’est l’eau, quand elle se renverse, on ne peut plus la
ram
asser » (proverbe Peulh).

« Je n’ai nulle honte de dire que j’ai appartenu au système, que je l’ai servi, mais les dérives arrivent par fatalité, parfois par inversion, parfois par manque de vigilance. Malheureusement nous sommes dans le tiers monde, notre pain quotidien dépend de l’état, aucun parti ne peut le concurrencer ». Parmi les remarques, on constate que le colonel a manqué de qualifier le système.

La gravité de ses propos se mesure par la fonction et le grade de cet officier supérieur. Heureusement que le mot SYSTEME est une borne frontière incontestable pour éviter d’entrer dans la généralisation. Contrairement aux grotesques mensonges utilisés comme tactique de communication, il y a des citoyens, militaires et civils qui ne sont impliqués ni de près ni de loin dans cette compilation d’exactions. Cette implication ne concerne que les concepteurs et les exécutants et non la communauté à laquelle ils sont issus. Dans ce cadre il y a une précision de nécessité absolue. A savoir que :

-Ceux qui sont accusés le sont par leurs faits et non par la couleur de leur peau même s’il faut laisser une marge d’erreur.

-ceux qui accusent le font par ce qu’ils ont subi et non par la couleur de leur peau.

L’histoire continue de donner raison à ceux qui pensent ainsi.

Les compatriotes qui ont protesté, ont été marginalisés, diabolisés ou limogés comme le colonel SIDINA OULD SIDIYA (Ministre de l’intérieur de Février à Avril 1991).Que son âme repose en paix comme tous nos grands hommes. Il est clair que nous étions tous exposés aux étiquettes (traitres, terroristes, militants de conscience et de résistance, Flamistes, Baathistes, communistes, Nasséristes) selon les lubies du système. Il est facile d’être terroriste. Mandela Président et ses compagnons de lutte de l’ANC, ministres ou élus étaient classés comme terroristes par les américains jusqu’ à une date récente. En rappel Condoleezza Rice s’investissait personnellement pour leur obtenir un visa.

Universellement les services de renseignements et de sécurité sont un aiguilleur pour éviter à l’état de commettre des erreurs .Ils sont également un symbole de puissance, instrument d’influence, de chantage, de désinformation, de manipulation et de menaces. En raison des dossiers sensibles à traiter, cible de toutes les accusations vraies ou fausses, l’occupant de cette haute fonction doit être un excellent berger de la prudence, de la modération, de la réconciliation et de l’unité nationale.

Le prix payé par les citoyens afin que les hommes du système gagnent leur pain est très élevé en perte en vies humaines, en douleur, chagrin, lévirat et larmes.

Le pays est passé du tiers-monde au quart-monde, avec la démission de l’état dans tous les secteurs, en particulier, l’éducation, la santé et la justice. La disparition des sociétés d’état pour améliorer les conditions de vie des citoyens (Sonimex, Pharmarim, SMCP, etc…).L’orchestre national symbole de notre diversité culturelle, l’institut des langues nationales véritable pont, cité comme référence pour la promotion des langues nationales en Afrique.

Autres caractéristiques du système, tension avec tous les pays voisins, monter les communautés nationales les unes contre les autres, transformation du pays en poubelle nucléaire (interviewé par le journal Le Temps, le Ministre chargé du dossier à l’époque n’a convaincu personne par ses démentis).La paupérisation exponentielle a enfanté une rupture avec notre très bonne éducation d’antan. Les vols, viols, agressions font les choux gras de la presse.

Une pluie d’injustices et d’impunités s’est abattue sur le pays.

La mise en chantier pour la construction d’une Mauritanie avec les uns sans les autres. Le déréglage de l’éthique, de l’ordre et de la discipline avec un torrent de magouilles et de combines. Des chalutiers étrangers qui éperonnent des pirogues de paisibles pécheurs artisanaux avec mort d’hommes en toute impunité. N’a-t-on pas vu dans Nouakchott des essenceries et des boulangeries dans une même cellule ? A propos de l’éthique hommage particulier à Ghassem Bellali ancien maire de Nouadhibou, au Docteur BahMoctar ancien DG du CNROP, Limame Cherif consultant.

Le pays est passé de la diplomatie rayonnante à l’aplatissement, du non-alignement à l’arrimage et d’une monnaie nationale forte au fifrelin.

Lire sur ce sujet : « Ceux qui ne veulent pas passer la main »

REPERTOIRE DES 28 NOVEMBRE

En consultant ce répertoire notre attention est portée sur ceux qui ont profondément marqué le pays.

Dans une main ou il y a un ciseau pour déchirer ou une aiguille pour coudre .Proverbe peulh

28 novembre 1960

Indépendance mâtinée, mais balayée par la révision des accords de défense, de commerce et des finances avec la France. Dans ce dernier cas, la création de la monnaie nationale (Ouguiya) en 1973.

28 novembre 1974 : La MAURITANIE DE L’AIGUILLE

Nationalisation de la MIFERMA (société française exploitant le minerai de fer de Zouerate).Cette décision a mobilisé le peuple en un seul pour manifester sa satiation.

La nationalisation est une confirmation de l’attachement de la Mauritanie au mouvement des non-alignés, né du sommet de Bandung, en Indonésie en 1954 et mieux l’exécution des résolutions du sommet d’Alger de 1973 pour un nouvel ordre économique international.

Madagascar à son tour, nationalisera la plus grande base navale française de l’Océan indien : Diego Suarez. Sans parler de l’Algérie pour le pétrole et le gaz, du Chili pour le cuivre.

28 novembre 1990 : La Mauritanie du ciseau

Arrestations massives et arbitraires, tortures, pendaisons, fosses communes, extorsion d’aveux pour un complot chimérique

Isole sur le plan international, le système annonce la découverte d’un complot ethnique. Pour sortir de cet isolement et bénéficier de l’altruisme du monde arabe bien sûr avec la plasticité de certains citoyens, la connivence avec ISRAEL est brandie.

Des années plus tard, le mensonge ayant atteint ces limites dans le monde Arabe, le système établira des relations diplomatiques avec Israël dont il sera le meilleur allié (dans le monde Arabe) La traque d’innocents qualifies d’islamistes prend la relève afin de déverrouiller le côté Américain dont la facture du soutien à Saddam est lourde.

Les ambivalences du complot : vouloir le beurre, l’argent du beurre et le cuir de la vache.

-Refus de confrontation entre les manuscrits extorqués sous la torture avec les procès-verbaux ‘’ bon à compromettre ‘’ dactylographiés par les services du système

-Refus de lecture des PVS avant signature

-Refus de confrontation entre les détenus

-Refus de déposer les dossiers devant la justice

Les demandes font généralement l’objet de tabassage

Le président Haidallah, après son renversement en 1984, a rejeté les offres d’asile politique de ses pairs du Burundi, du Congo Brazza, du Nigeria, de Côte d'Ivoire et du Sénégal, pour rentrer au pays et exiger d’être jugé pour les faits qui lui sont reprochés. Le dossier étant vide comme le nôtre, le procès n’a jamais eu lieu.

La connivence avec ISRAEL

Le système avait bien préparé le dossier à telle enseigne qu’un brillant, fin et honnête magistrat ou avocat peut être induit en erreur comme une partie de l’opinion l a été, allant jusqu’ à admirer les tortionnaires avant de se rétracter. Ce fut l’un des grands échecs des moutonniers.

Les doutes de Maawiya

Pour je ne sais quoi, Maawiya tombe dans le doute et crée une commission d’enquête de 4 officiers supérieurs afin de lui faire la lumière sur ce dossier. Des journalistes dont Un professeur de Français (journaliste par violon d’Ingres) révèleront après de profondes et sérieuses investigations l’excellent travail de cette commission qui confirme que le complot était chimérique.

Malgré tout, les tortionnaires seront amnistiés par la loi numéro 91025 du 29 JUILLET 1991 avec leurs poitrines chamarrées de hautes distinctions nationales.

A l’aune du Vietnam de 1968 , RICHARD NIXON président des USA au moment des faits, connu pour être l’un des plus grands criminels avec sa politique d’extension et d’intensification de la guerre du Viêtnam, a amnistié l’officier qui avait massacré le village de MY LAI ou SONG MI (nom vietnamien) mais après le verdict de la cour martiale .

Plus tard les soldats américains qui avaient braqué leurs armes sur leurs frères d’armes pour arrêter les massacres ont été décorés.

Chez nous, c’est l’antipode pour ceux qui ont protesté contre les exactions.

Un OFFICIER SUPERIEUR EN POSTE EN EUROPE DE L’OUEST, REVELE DANS SA LETTRE DE DEMISSION, UN POGROM POUR L’ELIMINATION DES OPPOSANTS COMME SI ….

Lire sur le sujet : "LE PASSE SOMBRE DE LA MAURTANIE, APRES LES REVELATIONS DE LA CIA, A QUAND LE PROCES DES GRANDS CRIMINELS ?"

Le procès des grands criminels n’aura lieu que quand nous prendrons le chemin d’une justice triomphante, engagerons ensemble les soins appropriés et assécherons les pépinières de ceux qui tirent profit de l’impunité. Ce sera le procès de la défense accuse.

28 novembre 2001. La Mauritanie du ciseau

Accusé d’être l’un des cerveaux du complot du millénium, notre compatriote Mouhamedou Ould SLAHI est arrêté le 20 novembre 2001 à Nouakchott, puis exporté le 28 novembre 2001(toujours le 28 Novembre comme en 1990) en Jordanie où il a passé près de 8 mois de tortures et d’interrogatoire, puis à Bagram en Afghanistan et enfin à Guantanamo où il est détenu depuis 2002.

28 novembre 2011. La Mauritanie de l’aiguille

Des militants de l’IRA mouvement anti esclavagiste, anti latifundiste avec des compatriotes refugiés en Europe, aux USA et ailleurs, qui avec courage et conviction ont bravé les difficultés et les menaces pour un pèlerinage à Inal sur les fosses communes et les hangars de pendaisons.

Les paroles, les visages des manifestants chargés de tristesse, de douleur et de larmes, ont prouvé que leur seul objectif, était la justice en écartant tout esprit de haine et de vengeance.

Ce pèlerinage fut une réussite malgré les provocations et la propagande calomnieuse.

Un mot de remerciements à tous ceux qui se sont mobilisés à travers le monde pour la libération de OULD SLAHI qui reste toujours en prison malgré la décision d’un juge de le libérer et le manque de preuves contre lui aux USA ,au CANADA, en MAURITANIE, en Allemagne.

Peut-être que ceux qui l’ont exporté, bénéficie d’un solide appui auprès des lobbies pouvant influencer l’administration Américaine.

La reconnaissance va également à l’endroit de tous ceux qui nous ont entourés d’affection et de chaleur humaine pendant les exactions particulièrement aux aimables geôliers qui étaient en contact direct avec nous.

Wane Abdoulaye Neto

Colonel retraité des Douanes

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