Dahab au premier plan, et Youssouf qui l'observe durant un exercice orthopédique. Crédit : Mozaikrim/MLK

Dahab au premier plan, et Youssouf qui l'observe durant un exercice orthopédique. Crédit : Mozaikrim/MLK

A Nouakchott, depuis 8 ans, en silence, discrètement, passionnément, et efficacement, le centre de l'enfance à Dar Naïm est une fenêtre de soins, de tendresses, de prise en charge des enfants handicapés, physiques et mentaux de la périphérie. Rencontre avec des femmes, et quelques hommes, absolument, totalement tournés vers le bien-être de ces enfants considérés comme les leurs. L'occasion aussi de découvrir, comment cette expérience humaine, et humanitaire, resserre les liens inter-communautaires.

Nicole Kamil avec dans ses bras la douce Aïssatou. Crédit : Mozaikrim/MLK

Nicole Kamil avec dans ses bras la douce Aïssatou. Crédit : Mozaikrim/MLK

Des maisons aux alentours, la quasi-totalité à moitié finies, sans peinture, souvent sans portes, ou défoncées. Des bidonvilles qui occupent l'horizon du quartier de plus en plus. L'extrême pauvreté est passée en Mauritanie de 48% de la population, à 52% entre 2008 et 2015, selon la Banque Mondiale. Et puis d'un coup, au détour d'un virage, un ilôt de briques et de beige, avec la pancarte discrètement plantée sur la porte identifiant le foyer. Une bouffée d'air pur dans un des quartiers les plus pauvres de la capitale.

 

A l'intérieur, la cuisinière, la femme de ménage, le kinésithérapeute préparent le centre, chacun dans son domaine de compétences, à l'arrivée des quelques 30 enfants qui viendront bientôt, déposés par les 2 bus du centre qui les récupèrent avec leurs mamans, leurs tantes ou leurs grands-mères, de leurs maisons. "Au début du projet, nous aspirions essentiellement à aider les mendiantes, les sortir de la rue, et pour certaines les aider à assumer matériellement leurs enfants, notamment handicapés. Puis devant l'afflux massif des mamans, nous avons dû commencer à faire des choix selon les cas présentés, en fonction de nos moyens" explique Nicole Kamil, bénévole et active chercheuse de fonds pour le centre.

 

Devant l'ampleur des demandes de prises en charge, se découvre celle des cas d'enfants atteints de handicaps, notamment mentaux. "Dès qu'une offre est présente, comme le foyer de l'enfance à Dar Naïm, celle-ci est vite débordée : les cas d'enfants atteints de handicaps mentaux sont largement sous-estimés en Mauritanie; d'autant plus que les parents dans toutes les communautés les soustraient du regard. Certes il est protégé comme un bien précieux, mais malheureusement il est écarté de la vie sociale. Il n'y a jamais eu d'enquête sérieuse pour mesurer la portée démographique de ces cas" souligne pour sa part le Docteur Ousmane Sall, directeur de l'aile psychiatrique de l'hôpital "Dia" de Nouakchott, parrain et "personne-ressource" du centre.

"Les cas d'enfants atteints de handicaps mentaux sont largement sous-estimés en Mauritanie"

Le petit Habaly, 7 ans, en séance de Kinésithérapie, accompagné de sa maman. Crédit : Mozaikrim/MLK

Le petit Habaly, 7 ans, en séance de Kinésithérapie, accompagné de sa maman. Crédit : Mozaikrim/MLK

"Ce centre n'accepte que les enfants handicapés de parents défavorisés, qui souffraient dans la solitude de ce que Dieu a mis sur leur chemin. Ce n'est pas une totale réussite, car certaines récidivent dans la mendicité, mais nous avons changé leur regard dans la grande majorité des cas : les mamans voient dorénavant leurs enfants handicapés comme des enfants "normaux", et s'en occupent en conséquence. Ce ne sont pas des poids à enfermer à la maison ou attacher parfois !" continue Nicole Kamil, avec une émotion et une fièreté visibles.

 

Un projet humainement difficile au départ, avec le transfert des tensions communautaires dans le foyer, que l'équipe a catégoriquement refusé et combattu."Ce n'était pas évident au début, avec les clivages communautaires qu'on connaît du pays, mais nous nous sommes battus avec les mamans contre cela; qu'elles soient maures, pulaars, haratines, soninkés ou wolofs, elles ont compris avec le temps que l'union faisait véritablement la force, et qu'avec un oeil clair, plus de choses les unissaient qu'il y en avait qui les divisaient. Aujourd'hui, chacune s'occupe de l'enfant de l'autre comme si c'était le sien!" souligne Fatimata Cissé, infirmière à l'hôpital psychiatrique de Nouakchott, et bénévole au foyer de l'enfance de Dar Naïm.

 

A 10h30 le premier bus est arrivé, retournant aussitôt chercher d'autres mères et enfants. La trentaine d'enfants présent ce mercredi, sont tous là à 11h15. Le petit déjeuner, de la bouillie de mil au lait, sera servi aux enfants et leurs mamans, avant le déjeuner qui arrivera en début d'après-midi. "Nous les prenons en charge 4 jours dans la semaine, du lundi au jeudi. Ils ont deux repas, et des activités d'alphabétisation en arabe et pulaar, de confection de confiture, et de couture, pour les mamans, de kinésithérapie et d'éveil pour les enfants handicapés, et comme ce mercredi, de danse !" s'enthousiasme Diye Ba, une des deux cuisinières du centre, et maman d'Aïssata, touchée par un handicap mental, 17 ans, pensionnaire du foyer.

"...Qu'elles soient maures, pulaars, haratines, soninkés ou wolofs, elles ont compris avec le temps que l'union faisait véritablement la force"

Jiddou, 14 ans, joyeux comme jamais dès qu'il met un pied dans le foyer. Crédit : Mozaikrim/MLK

Jiddou, 14 ans, joyeux comme jamais dès qu'il met un pied dans le foyer. Crédit : Mozaikrim/MLK

Dans la cour, Saoudatou, la maman de Jiddou, handicapé de 14 ans, arrivé cette année au centre, montre les bandes de sable vierge. "Nous cultivions des légumes, mais depuis un an, il n'y a plus d'eau dans cette partie de Dar Naïm, et devant le coût de transport de citernes d'eau dans le centre, le jardin a dû être arrêté" dit-elle.

 

Une implication des mamans dans le cadre de vie, qui apprennent à s'occuper de leurs enfants, par des gestes de kinésithérapie, de stimulation psychosociale, d'affection. "Tous les cas ici sont extrêmement tristes, mais dans ce cadre joyeux, ils oublient le temps de quelques jours dans la semaine, la rigueur de leur situation extérieure" affirme Fatimata Cissé.

 

Devant le succès du centre, et des mamans abandonnées pour la quasi-totalité par leurs maris à la découverte des pathologies de leurs enfants, qui affluent de plus en plus, le foyer veut s'agrandir sur le terrain lui appartenant, et qui jouxte l'actuelle location. "Nous avons commencé à construire des salles en plus. Les travaux sont pour le moment arrêtés par manque de fonds, mais il est important qu'on puisse regrouper les enfants par tranche d'âge, pour mieux s'occuper d'eux" explique Sylvie Ouédraogo, coordinatrice du centre, ancienne prof de physique-chimie reconvertie en humanitaire. L'autre besoin majeur du centre réside dans la disponibilisation d'attelles orthopédiques pour les enfants physiquement handicapés, "très chères".

"...Il est important qu'on puisse regrouper les enfants par tranche d'âge, pour mieux s'occuper d'eux"

La petite Colé Dia, et Habaly, comme frère et soeur, durant un moment de détente en danse et en groupe au foyer. Crédit : Mozaikrim/MLK

La petite Colé Dia, et Habaly, comme frère et soeur, durant un moment de détente en danse et en groupe au foyer. Crédit : Mozaikrim/MLK

Assiatou est l'un de ces cas "miraculés" grâce au centre : "Elle est arrivée quasiment paralysée; aujourd'hui, elle marche grâce aux soins en kinésithérapie" témoigne sa mère. Abdoulaye Bâ, le kinésithérapeute du centre masse doucement Habaly, 7 ans, le stimulant, avec à côté sa maman Fatimetou, d'Aïoun, qui vient d'Arafat pour profiter des soins du foyer. "Les mamans assistent aux séances de massage, pour qu'elles apprennent à la maison à les reproduire le plus parfaitement possible; elles savent maintenant qu'elles peuvent par de simples gestes, et beaucoup d'affection, atténuer la situation de leurs enfants. Et toutes le font avec une énergie et un optimisme qu'elles n'avaient pas avant d'arriver au foyer" murmure le kiné, par peur de réveiller Habaly qui somnole entre ses mains.

 

"La kinésithérapie est un volet important dans la prise en charge de ces enfants. Les kinésithérapeutes de Nouakchott pourraient créer un pool actif de bénévoles, où chacun, de manière organisée, accorderait 2 heures de son temps chaque semaine à ce genre de structures" assène avec conviction le docteur Sall.

 

Un foyer-modèle, propre, bien construit, le tout avec des moyens extrêmement limités, qui devrait selon le docteur Sall être dupliqué dans toute la ville. "Il y a une nécessité absolue que toutes les communes de Nouakchott puissent bénéficier de foyer similaires. En Tunisie et au Maroc, le bénévolat, la bonté par la zakat, trouvent des issues qu'on souhaite reproduites en Mauritanie, où les gens se gargarisent de leur foi : l'un peut mettre la main à la patte, et poser des briques, l'autre donner de l'argent, et un suivant prêter ses maçons de son chantier bientôt, ou encore donner les restes de son ciment etc... Ce sont des gestes qui ont du sens, et que je serais heureux de voir plus souvent dans ce pays" espère le parrain du centre.

"Il y a une nécessité absolue que toutes les communes de Nouakchott puissent bénéficier de foyer similaires"

Le kinésithérapeute en plein exercices avec le petit Ahmed. Crédit : Mozaikrim/MLK

Le kinésithérapeute en plein exercices avec le petit Ahmed. Crédit : Mozaikrim/MLK

Colé Dia, et une des mamans du centre. Crédit : Mozaikrim/MLK

Colé Dia, et une des mamans du centre. Crédit : Mozaikrim/MLK

Un des enfants du centre, en pleine séance de kinésithérapie, sa maman à côté. Crédit : Mozaikrim/MLK

Un des enfants du centre, en pleine séance de kinésithérapie, sa maman à côté. Crédit : Mozaikrim/MLK

Dahab et sa maman. Crédit : Mozaikrim/MLK

Dahab et sa maman. Crédit : Mozaikrim/MLK

Pendant la séance de groupe. "Dansons toutes ensemble !" Crédit : Mozaikrim/MLK

Pendant la séance de groupe. "Dansons toutes ensemble !" Crédit : Mozaikrim/MLK

Accompagnée de sa grand-mère, Hapsat est aux anges durant la séance de danse. Crédit : Mozaikrim/MLK

Accompagnée de sa grand-mère, Hapsat est aux anges durant la séance de danse. Crédit : Mozaikrim/MLK

La bénévole-kinésithérapeute Ilda, et un des enfants du centre. Crédit : Mozaikrim/MLK

La bénévole-kinésithérapeute Ilda, et un des enfants du centre. Crédit : Mozaikrim/MLK

Crédit : Mozaikrim/MLK

Crédit : Mozaikrim/MLK

Le petit Abdoul, opéré plusieurs fois du coeur, et sa maman. Crédit : Mozaikrim/MLK

Le petit Abdoul, opéré plusieurs fois du coeur, et sa maman. Crédit : Mozaikrim/MLK

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