Quand les gouvernants ne prennent plus leurs responsabilités sociales, de plus en plus d'associations apparaissent dans les communes mauritaniennes pour se prendre en charge. C'est ainsi que l'association des jeunes de Tékane (AJTA) a œuvré pour prendre en charge directement des élèves des trois dernières années du primaire à travers des cours de soutien.

Des élèves durant un cours de soutien permis grâce au support de l'AJTA. Crédit : Mozaikrim/MLK

Des élèves durant un cours de soutien permis grâce au support de l'AJTA. Crédit : Mozaikrim/MLK

Depuis bientôt 3 mois, 48 enfants de la commune de Tékane suivent des cours de soutien scolaire à l'école fondamentale. "16 enfants par classe des trois dernières années du primaire ont été choisis en fonction de leur niveau moyen. Nous avons choisi ceux qui avaient le plus de chances d'évoluer avec un coup de pouce de ce genre" explique le directeur de l'école-1 à Tékane, Mamadou Niang.

 

Ces cours interviennent dans un contexte national de déliquescence de l'éducation nationale, autant dans le fonds académique, que la forme matérielle. Tékane n'est pas exempt du naufrage de cette éducation nationale. "Nous avons six classes avec trois instituteurs, dont un titulaires et deux contractuels; le titulaire est d'ailleurs un volontaire en réalité et il fait partie des deux instituteurs, en arabe et français qui donnent les cours de soutien. Les besoins identifiés sont énormes: nous manquons de 5 instituteurs; depuis la rentrée en octobre, les enfants viennent à peine en février d'avoir un instituteur d'arabe. Pour le matériel, regardez par vous-mêmes les classes mitées, le matériel complètement usé, les toits manquant parfois. Il faudrait tout raser et reconstruire en réalité" continue le directeur de l'école-1.

Mahmoud Amadou Ly durant un cours de soutien d'arabe. Crédit : Mozaikrim/MLK

Mahmoud Amadou Ly durant un cours de soutien d'arabe. Crédit : Mozaikrim/MLK

Des problèmes pour les enfants également en amont, pour beaucoup d'entre eux issus de familles défavorisées. "Certains viennent sans stylos, ou même parfois sans avoir petit-déjeuner. L'heure de la récréation leur sert à retourner rapidement à la maison manger quelque chose" assure Mamadou Niang. "L'AJTA a bien distribué ces trois dernières années du matériel scolaire à près de 700 enfants au total, mais nous avons conscience que même si l'intention est là, et que c'est une bouffée d'air pour certaines familles, cela reste dérisoire au regard de l'ampleur du problème de l'éducation" argue pour sa part le président de l'AJTA, Abdoulaye Kane.

Le directeur de l'école-2 Mamadou Dia opine dans le sens du directeur de l'école-1. "Tout manque tellement que nous empruntons les locaux de l'école-1. Les cours de soutien de l'AJTA sont une belle initiative, mais il est encore trop tôt, après deux mois de lancement seulement de juger de son impact sur les progrès des enfants pris en charge par ces cours" explique le directeur également enseignant dans l'école, "pour colmater les brèches de ressources humaines" ajoute-t-il avec un sourire.

 

Bocar Saloum Lô est instituteur de français à l'école-1, fondée en 1956, et l'un des répétiteurs payés par l'AJTA pour le soutien aux 48 élèves du primaire. "Le niveau des élèves a dépassé le stade de "l'alarmant"; c'est une catastrophe qui est d'abord nationale, et Tékane n'échappe pas à l'onde de choc. Et puis il y a les difficultés matérielles que les directeurs vous ont sûrement expliqué" décrit Bocar.

De plus en plus d'élèves demandent à participer aux cours de soutien de l'AJTA, notamment les filles. Crédit : Mozaikrim/MLK

De plus en plus d'élèves demandent à participer aux cours de soutien de l'AJTA, notamment les filles. Crédit : Mozaikrim/MLK

"J'ai 48 enfants à qui je donne trois fois par semaine des cours de soutien en français, depuis bientôt trois mois. Certains se sont nettement améliorés, en montrant une volonté d'assiduité, surtout les filles; depuis deux semaines je reçois beaucoup de demandes d'enfants, qui demandent à être inscrits aux cours, mais nous sommes déjà surchargés" termine-t-il.

 

Mahmoud Amadou Ly est l'autre répétiteur pris en charge au niveau du salaire par l'AJTA. Il est instituteur en arabe également. "Les cours d'arabe n'ont commencé dans l'école que depuis deux mois à peine; nous sommes toujours entrain d'essayer de rattraper le retard accumulé lors du premier trimestre" dit Mahmoud Ly, qui fait partie des centaines de contractuels de l'éducation nationale mauritanienne qui n'ont pas été affectés pour cette année scolaire, "malgré les besoins urgents et énormes en ressources humaines, à l'intérieur surtout" soupire-t-il.

 

L'occasion offerte par l'AJTA à lui Bocar Lô de continuer à éduquer, en journée et le soir constitue pour lui une initiative qui doit être un "tremplin à d'autres, ou au renforcement de celle-ci, si les moyens financiers suivent" selon Hamed Diaga, président de l'association des parents d'élèves de la commune de Tékane. "L'école manque cruellement d'enseignants; le fossé que tente de combler l'AJTA, avec ses moyens est appréciable, car il s'agit surtout ici de redynamiser l'intérêt pour l'école. D'autant plus que les cours de soutien sont une aide précieuse pour les élèves. Je suis surtout content d'observer une génération de jeunes du village qui émerge, certains dans l'AJTA, et qui ne fermera pas les yeux sur les écueils du village. Je prie Allah qu'une telle solidarité et générosité se perpétuent!" conclut Hamed Diaga.

Le matériel des classes permet à peine aux cahiers de tenir en équilibre et aux élèves d'écrire. Crédit : Mozaikrim/MLK

Le matériel des classes permet à peine aux cahiers de tenir en équilibre et aux élèves d'écrire. Crédit : Mozaikrim/MLK

Certaines classes sont littéralement à moitié effondrées et nécessite une "totale réfection" selon les directeurs des 2 écoles fondamentales de Tékane. Crédit : Mozaikrim/MLK

Certaines classes sont littéralement à moitié effondrées et nécessite une "totale réfection" selon les directeurs des 2 écoles fondamentales de Tékane. Crédit : Mozaikrim/MLK

Une des 2 institutrices de l'école-1 insiste sur la nécessité de soutenir les élèves du primaire. Crédit : Mozaikrim/MLK

Une des 2 institutrices de l'école-1 insiste sur la nécessité de soutenir les élèves du primaire. Crédit : Mozaikrim/MLK

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