Belmond Ndjiké, en pleine prestation à Dakar. Crédit : MLK
Belmond Ndjiké, en pleine prestation à Dakar. Crédit : MLK

Une rencontre de celles que seul le Destin façonne: un soir à Dakar, dans le hall d'un hôtel, une trainée de notes, qui s'éparpillent dans le salon du bar. Très vite la présence de Belmond Ndjike qui s'impose dans la lumière feutrée de l'endroit, et le halo d'humanité, qui se vérifie tout de suite dans la discussion. Rencontre.

A Dakar depuis plus d’un an, Belmond Ndjike pose ses bagages et ses notes de piano sur la corniche sénégalaise, après une série vertigineuse d’arrêts aventuriers dans toute l’Afrique, du Maghreb en Afrique du Sud, et en Asie du sud-est, ainsi qu’en Europe, entre la Suisse et la Belgique. « J’ai toujours pensé que la musique était faite pour être emportée dans ses bagages et porter directement les notes à d’autres oreilles » dit l’aveugle, en effleurant les touches noires et blanches de son piano d’hôtel.

Né au Cameroun, il quitte son bercail natal il y a plus de 20 ans. « Dans nos sociétés où les comportements sont encore régis par un carcan moral et culturel encore fortement traditionnaliste, les handicapés sont souvent perçus comme un handicap plus qu’autre chose. Il fallait que je m’émancipe de cela. La musique a été cette fenêtre sur la liberté et le respect des gens » raconte le pianiste, qui projette dans les mois à venir, de faire un tour dans les îles de l’océan Indien.

Une liberté qui l’emmène à un peu plus de 20 ans, à sillonner les routes du monde, au gré des contrats qu’il trouvait sur place dans les pays choisis presque « au hasard ». « C’est dans ce cadre que j’ai ce contrat dans cet hôtel : après avoir fait presque tous les pays d’Afrique, il restait notamment le Sénégal en Afrique de l’Ouest et arrivant, dès ma première présentation à cet hôtel, ils m’ont signé ce contrat » précise-t-il. Son frère cadet l’a rejoint sur sa quête initiatique, et lui sert en quelque sorte d’assistant, « pour les contrats surtout ». « Il m’a rejoint à Bangkok, quand j’ai eu un contrat d’un an dans un grand hôtel, il y a quelques années. Depuis on est ensemble » dit Belmond.

Instrumentiste hors-pair

A Singapour où il passe plusieurs mois, il se fait remarquer pour ses talents multi-instrumentistes. « Je joue du piano, de la batterie, de la guitare, de l’accordéon, du saxo, en solo ou en groupe ; et en Asie la polyvalence, dans tous les domaines, particulièrement en musique est appréciée et respectée » affirme-t-il. Passionné de musique depuis le plus jeune âge, et aveugle dès la naissance, le monde du son, des « notes poétiques » s’est imposée à la recherche de sérénité de Belmond comme le moyen le plus sûr d’échapper à « l’aigreur et au ressentiment ». « En découvrant la beauté dans la musique, j’ai découvert la beauté dans la vie, et le poids de mon handicap s’en est retrouvé considérablement allégé » confie-t-il, après un petit moment de silence et de réflexion, semblant regarder son frère à moins de deux mètres de lui.

Il commence en se fabriquant ses propres instruments. « Dans le milieu d’où je viens, pauvre, on n’avait pas les moyens d’acheter des instruments où des objets de valeur, donc souvent le plan D était de nous les construire ! Je me suis ainsi construit mon premier accordéon à 13 ans, avec l’aide d’un oncle bricoleur ! » S’esclaffe-t-il, en tapant ses deux mains, suscitant quelques sourires amusés dans l’assistance du bar.

Le plus dur dans cet élan de projets spontanés, suscités comme des bulles de savons, et qui peuvent éclater tout aussi vite, demeure pour Belmond Ndjike la « promotion des albums ». « C’est difficile de rentrer dans les circuits culturels des médias, ou de faire des rencontres dans ce sens ; du coup on écoule essentiellement mes albums main à la main, à travers des rencontres, dans les endroits visités et fréquentés » regrette l’artiste qui a déjà deux albums à son actif, et qui espère "pourquoi pas, se produire un jour, bientôt en Mauritanie!".

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