Adama Sangaré, lors de l'inauguration de lancement de la maintenance de Global Aviation à l'aéroport d'Oumtounsy, en décembre 2021. Crédit : Mozaikrim/MLK

Adama Sangaré, lors de l'inauguration de lancement de la maintenance de Global Aviation à l'aéroport d'Oumtounsy, en décembre 2021. Crédit : Mozaikrim/MLK

Rencontre avec Adama Sangaré, pilote ET mécanicien aéronautique, le seul du pays d’ailleurs avec cette rare double casquette, aujourd’hui au service de Global Aviation. Une humilité dans les airs.

« Mon profil scolaire ne me dirigeait pas vers ma profession actuelle. J’ai étudié les sciences économiques à la faculté de Nouakchott après un bac D à El Hadj Omar Tall » lance Adama Sangaré d’emblée, quand je lui demande comment devenait-on, pilote ET mécanicien aéronautique, dans le contexte académique mauritanien ? « Durant ma seconde année universitaire, j’ai eu la chance de voir mon père travailler dans le domaine mécanique à la défunte Air Afrique. Ses amis et lui m’ont incité à passer deux concours : un ouvrant au métier de mécano et un autre à celui de steward. J’ai été accepté pour les deux. » continue-t-il d’une voix mesurée.

Aimant bricoler, la décision a été vite prise quand il lui a été demandé de faire un choix entre les deux métiers. « J’étais vivement curieux de comprendre comment ces tonnes d’acier pouvaient voler » justifie le mécanicien-pilote. Deux ans de formation basique à Dakar, en plus de deux autres années à acquérir de l’expérience, il commence au centre de maintenance des moteurs pour Air Afrique, jusqu’à la fermeture de la compagnie aérienne panafricaine.

« Air Afrique jouissait d’une bonne réputation technique au niveau continental, et même mondial. Après cette expérience, je n’aurai pas de mal à être repris par la Lufthansa, ensuite Air France » dit-il. Puis arrive l’appel du pays : « Quand Air Afrique a mis la clé sous la porte, la Mauritanie a demandé aux techniciens locaux de rentrer. J’ai suivi cette exhortation et je suis ainsi rentré. Nous avons été reversés à la défunte Air Mauritanie ; nous faisions du handling (réception du fret, manutention…). Nous étions clairement sous-utilisés par rapport à nos compétences techniques. » raconte Adama Sangaré.

En 2008, son parcours continue à Abou Dhabi avec la société GAMCO (société italienne de transport de marchandises- ndlr), pendant 2 ans. « J’ai profité de cet intervalle pour préparer ma licence européenne d’ingénieur en certification aéronautique (EASA) ; ce qui a étendu mon champ de compétences » confie Adama.

De mécanicien à pilote

« Ce sont les commandants Satigui et Aziz, bien connus dans l’aéronautique mauritanienne, qui ont conçu le business plan de la MAI (Mauritanian Airlines International- ndlr) ; les observant de près à mon retour d’Abou Dhabi, et n’étant entouré alors que de pilotes, l’idée de le devenir également a fait son chemin dans ma tête » murmure Sangaré. Les étoiles s’alignant, c’est la période où une compagnie malaisienne d’hélicoptères qui travaillait en Mauritanie, lance un concours pour la formation de pilotes.

« Ma candidature est retenue » dit laconique le pilote. Seul admis à l’écrit, il débarque en Malaisie pour 2 ans de formation de pilote, où il vole jusqu’en 2015. Il décide de rentrer alors pour des raisons familiales. Une décision qui le mène à 4 ans de chômage. « Ce sont les 4 années les plus difficiles, mais également les plus formatrices de ma vie : je me suis mis à niveau professionnellement d’un côté, et de l’autre côté, dans un cadre plus personnel et mental ça m’a permis de réellement connaître, expérimenter et m’approprier le sens du terme « résilience ». J’ai plus appris dans cette période, face à moi-même, que durant toutes les autres périodes de ma vie » évoque-t-il, en tapotant légèrement la table de bureau où nous discutons, de son index.

C’est en 2019 qu’il rejoint Afroport, entreprise de joint-venture entre le gouvernement mauritanien et la structure privée éponyme basée à Abu Dhabi, qui a en charge la gestion de l’aéroport international Oumtounsy de Nouakchott. Deux ans à occuper la fonction de responsable de l’équipement du service au sol. « Je quitte Afroport en 2021, non sans remous, mais Yaboub Sidiya m’avait brossé l’idée de l’envol qu’il souhaitait faire prendre à Global Aviation en Mauritanie et dans la sous-région ; et cela répondait point par point à ma vision de la gestion et de l’ambition demandée à une société africaine de transport aérien. Les objectifs sont énormes, mais il faut toujours viser le ciel ! Littéralement (rires) » raconte en riant légèrement, Adama.

« Nous ne nous connaissions pas avec Adama, mais j’en avais vivement entendu parler via quelques personnes, qui insistaient particulièrement sur ses compétences. Nous nous sommes rencontrés très rapidement après cela, et au bout de 5 minutes j’étais capté par son humilité, mais surtout par sa capacité d’écoute ; cela greffé à ses compétences évidentes, il se démarquait de tous les candidats que j’avais rencontrés pour son poste à Global Aviation » témoigne Yacoub Sidiya, PDG de MSS/Phoenix Group, dont Global Aviation fait partie.

« Bête » et « discipliné »

« J’ai grandi au quartier Cinquième, dans la commune de Sebkha. Mon accent ivoirien est dû au fait que j’ai grandi et vécu à Abidjan une grande partie de ma vie » explique-t-il quand je le taquine sur son accent de « Yopougon ». Une expérience dont il est reconnaissant, et qui lui a « permis de bénéficier d’un système éducatif de qualité », qui a construit son « bon sens ». « Je n’ai pas eu accès à ces différents concours dont on a parlé parce que j’étais le meilleur, mais simplement parce que j’avais eu un accès facilité à la compréhension de certains chapitres de ces concours, grâce à l’académie ivoirienne ! » argue l’ancien gamin du Cinquième.

« Mon rêve ? La Mauritanie peut, et doit être un des centres névralgiques de l’aviation civile africaine. Je le pense vraiment ; au-delà de la position géostratégique, nous avons une jeunesse tellement brillante, à qui il manque juste des références, et des appuis éducatifs décents ! Avec plus d’hommes et de femmes d’affaires misant davantage sur le facteur humain, ça pourrait se faire » déroule le pilote, marié et père d’un enfant.

« A vrai dire je ne prenais pas de risques avec lui, c’est plutôt lui qui en prenait avec moi, en quittant un travail stable, pour s’aventurer avec moi sur ce chemin non dénué de risques évidents, particulièrement dans le contexte mauritanien » explique Yacoub Sidiya.

Un optimisme dans la jeunesse mauritanienne, qui n’a d’égale que sa persistance durant tout notre entretien à répéter qu’il ne faut pas être forcément « intelligent » (au sens académique du terme – ndlr) pour devenir un bon pilote. « Je ne me considère pas comme forcément brillant, mais très discipliné et concentré dans mes objectifs. On peut être bête comme une calculatrice et devenir un bon pilote ! Il faut juste mémoriser des procédures et les appliquer de la façon la plus rigoureuse » précise-t-il.

MLK

Retour à l'accueil