Oumou, une agricultrice dans les vastes champs du village de Garfa Jaylani au Guidimakha. Crédit : MLK / Mozaikrim
Oumou, une agricultrice dans les vastes champs du village de Garfa Jaylani au Guidimakha. Crédit : MLK / Mozaikrim

La conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a rendu public son rapport 2015 sur les pays les moins avancés (PMA), le 26 novembre, dans le monde entier. A Nouakchott, le nouvel économiste principal du PNUD, Issayaka Sabo, a synthétisé la teneur de ce rapport dont l'axe principal est l'exhortation à transformer l'économie rurale, pour contenir l'exode rural, et les flux migratoires, qui pèseraient sur les économies de ces pays..

48 pays les moins avancés (PMA), dont la Mauritanie, sont concernés par ce rapport, qui pointe du doigt les 69% des populations de ces pays qui vivent et travaillent en zone rurale. "En Mauritanie, ce sont 60% de la population rurale qui est pauvre; c'est deux fois plus que le taux urbain de pauvreté" précise Issiyaka Sabo, économiste principal du PNUD. "D'où la nécessité de procéder à des transformations structurelles axées sur la lutte contre la pauvreté. Ce qui implique d'exploiter les synergies entre la modernisation de l'agriculture et la diversification de l'économies rurale" assure le rapport, qui recommande de cesser de mettre uniquement l'accent sur l'augmentation de la productivité agricole et de s'intéresser aussi aux activités rurales non agricoles et à l'augmentation de la production de produits agricoles à plus forte valeur ajoutée.

La perspective de l'augmentation de la population rurale (des 15-59 ans particulièrement), doit inciter les états à accélérer la créations d'emplois, pour espérer augmenter, et doubler même le plancher de la consommation dans ces pays. "Il faudrait passer des 0,6% actuel, à 1,2% pour augmenter les revenus, qui seuls conditionnent le cercle vertueux de la consommation" affirme Issiyaka Sabo. Un voeu pour le moment difficilement concevable avec une productivité agricole de 1,8% des pays développés, dont les causes sont multiples selon la CNUCED, et qui engendrent des pertes agricoles de l'ordre de 5 à 55% de la production selon les pays : "Les investissements dans la recherche-développement agricoles sont très faibles; l'investissement public en infrastructures reste encore très insuffisant; et le changement climatique demeure encore un obstacle majeur à la productivité" explique le rapport, qui argue qu'il faudra opérer "un saut quantique" en termes d'investissements dans les infrastructures. "Il faudrait chaque année multiplier par plus de deux le taux d'accès à l'eau, par quatre celui d'accès à l'électricité, et par six celui d'accès à l'assainissement" explique le rapport.

A droite, Issiyaka Sabo, économiste principal du PNUD. Crédit : MLK / Mozaikrim
A droite, Issiyaka Sabo, économiste principal du PNUD. Crédit : MLK / Mozaikrim

Parallèlement, la question du genre est un obstacle majeur dans le développement rural; "la moitié de la main-d'oeuvre agricole est féminine, avec des contraintes d'accès à la terre, de revenus faibles" décrit l'économiste principal du PNUD. Cumulat activités productives et tâches ménagères, les femmes disposent de moins de temps que les hommes, ce qui limite également leurs compétences, et le temps qu'elles peuvent consacrer à accroître leurs compétences.

Intervenant dans le débat à la fin de la présentation, le président du FONADH (forum national des droits humains), Mamadou Sarr insiste, pour le cas mauritanien, sur la "sécurisation foncière, et le manque de volonté politique". "A Dar El barka, et à Thiambène, nous avons vu des femmes pionnières dans le développement agricole, mais leurs terres ne sont pas sécurisées, et elles sont menacées directement par la partialité des autorités publiques. Il y a un plaidoyer à mener sur cette question fondamentale, si on veut que cette perspective de la CNUCED trouve un écho en Mauritanie" assure le président du FONADH.

"Dans nombre des PMA, les migrations sont imputables à la pauvreté rurale, ce qui témoigne du manque d'opportunités économiques qui permettraient de disposer d'un minimum de revenu", estime le secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi. "Il ne peut y avoir de solution durable à la crise migratoire, et la pauvreté ne peut être éradiquée sans une stratégie de transformation de l'économie rurale axée sur la lutte contre la pauvreté dans ces pays" continue-t-il. A ce moment-là, assure le rapport, "l'exode rural sera motivé par un choix, et non une nécessité".

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