Sokhna Ly, présidente de la MAFEC. Crédit : MLK/Mozaikrim
Sokhna Ly, présidente de la MAFEC. Crédit : MLK/Mozaikrim

Plus de 21 ans d’existence, plus de 2,3 milliards d’ouguiyas prêtés, plus d’un millier de membres, des centaines d'émancipations sociales réussies. Ce sont les chiffres non-exhaustifs qui décrivent l'impact décisif des activités de microcrédits et épargnes de la Mutuelle des Associations Féminines d'Epargne et de Crédit (MAFEC), passée d'une tontine classique de quartiers, à une véritable institution de microfinance, dont le savoir-faire est vanté autant au niveau national que sous-régional. Récemment, la Banque Mondiale était de passage dans leurs locaux pour «apprendre» de cette expérience réussie. Success story.

Créée en 1994, et agréée 5 ans plus tard, la Mutuelle des Associations Féminines d'Epargne et de Crédit (MAFEC), répondait alors à des besoins exprimés par un groupe de femmes confrontées aux problèmes de sécurisation de l'épargne et d'accès au crédit. «Nous nous sommes dès le départ appuyées sur notre capital féminin d'expériences issues des formes associatives traditionnelles, comme la tontine. Par la suite, d'une tontine améliorée, nous sommes passées en quelques années à une véritable structure professionnelle de micro-crédit» raconte Sokhna Ly, la présidente de la mutuelle.

Cette approche adoptée visait la révision de l'organisation interne des tontines et des autres associations traditionnelles afin de mobiliser l'épargne des femmes, pour leur faciliter l'accès aux services financiers, contribuer à leur éducation économique et financière, tout en promeuvant une micro-assurance féminine novatrice. «Nous sommes dans une pure philosophie d'émergence : nous avons voulu créer un outil métissé, entre des approches traditionnelles et modernes».

«Lors des inondations de l'an passé, 60 femmes sur les 1094 membres de la mutuelle ont été durement touchées par les pluies. 30 d'entre elles ont dû déménager. La micro-assurance a permis de couvrir leurs pertes et frais de déplacement» assure Sokhna Ly.

Après avoir testé le recyclage des sommes collectées par le système tontinier classique sous forme de prêts rémunérés orientés vers des activités génératrices de revenus, les groupes communautaires d'épargne et de crédit ont constitué une Mutuelle pour se conformer au cadre légal régissant les activités d'épargne et de crédit en Mauritanie. «Dès lors, nous pouvions proposer à nos membres des services d'épargne et de crédit, à des taux bien moins chers que ceux pratiqués par les usuriers classiques; mais également des services de microassistance sociale, et de formation financière» explique la vice-présidente de la MAFEC, Oumou Ndary Fall.

«C'est assurément un exemple réussi parmi les initiatives mauritaniennes endogènes de microfinancements.D'autant que la mutuelle s'avère être un puissant outil d'émancipation et de promotion de la condition féminine» se réjouit le représentant de la Banque Mondiale en Mauritanie, Gaston Sorgho, visiblement positivement étonné d'entendre les histoires d'impacts de certains crédits encourus par des femmes. «Des groupes de femmes se sont mutualisées pour envoyer leurs enfants faire des études universitaires ! C'est une première en Mauritanie; Fatou, une de nos membres, a encouru un crédit pour acheter une pirogue à son mari et son fils pêcheurs, permettant à la famille de stabiliser ses revenus. Beaucoup ont investi dans le commerce et a couture» raconte Oumou Ndary Fall.

«C'est vivifiant de se confronter aux réalités du développement. C'est bien beau les discours et les théories formulés au sommet, mais ce que ces femmes font sur le terrain au quotidien, c'est rassurant. Elles n'ont attendu personne pour développer des idées d'émancipation. Une structure comme la MAFEC nous montre depuis deux décennies qu'une initiative forte de développement, issue d'un groupe de volontés citoyennes, peut activement participer à faire avancer le pays» affirme le représentant de la Banque Mondiale.

Finaliste du concours de la BM, sur les «projets novateurs», en 2002, à Washington. Face à cette vague d'encouragements, la présidente rappelle le défi principal auquel la MAFEC doit faire face dans l'avenir: «pérenniser et professionaliser les services de cette institution nationale, tout en gardant notre socle socio-culturel. De plus, malgré le fait que nous ayons été retenus par la BAD comme faisant partie des structures avec les meilleures pratiques, notre expérience n'est toujours pas valorisée par l'état ou notre autorité de supervision, la Banque centrale» déplore Sokhna Ly.

«Nous suivons les directives de la Banque Mondiale quand nous leur demandons d'envoyer en justice les cas de non-remboursement de crédit» dit sèchement un cadre de la BCM. «Effectivement ils suivent nos directives, mais défendre le global ne doit pas nous faire oublier le spécifique; et la MAFEC est un cas spécifique. Depuis le scandale de la Maurisbank, nous demandons aux autorités de mieux encadrer et plus sévèrement les organes bancaires ou de crédit. Dans les textes, et techniquement la MAFEC est une de ces structures, mais son fondement, et son fonctionnement sont totalement différents! » explique Gaston Sorgho.

Un système endogène de microfinance, qui a su créer un cercle vertueux, qui peut se passer de la plupart des services financiers des grandes institutions bancaires du pays. Un circuit positif qui a pu s'ériger car à la rigueur et la perspective inclusive de ces femmes, que l'on retrouve dans le symbole de la MAFEC par ailleurs : «Nous avons la vache qui représente l'épargne, son veau, qui est notre intérêt sur épargne, et le lait, qui symbolise nos bénéfices sur nos activités économiques réalisées. Nous avons bien le beurre, l'argent du beurre et la ferme meme! » rit Sokhna Ly.

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