Il y a des histoires vraies, des anecdotes qu'on nous raconte, qu'on écoute, incrédules dans un premier temps, avant de rire d'un malheur individuel qui marque un trait de caractère fondamentalement ancré dans certains êtres : l'avarice.

A une des bornes-fontaines du camp de M'Berra. Crédit : Mozaikrim/MLK

A une des bornes-fontaines du camp de M'Berra. Crédit : Mozaikrim/MLK

1- Le pingre de M'Berra

 

Appelons-le Ali par pudeur. Un jeune touareg qui travaille comme animateur pour l'une des ONG internationales œuvrant dans le camp de M'Berra. Ses collègues et amis du camp de réfugiés maliens l'appellent affectueusement "le pingre". "Un homme sans problèmes, mais sa main a du mal dès qu'on parle de sortir de l'argent" se moque un ami. Le sommet de cette "sclérose financio-manuelle" a été atteint l'an passé quand une clôture nouvelle a été plantée à proximité de son domicile.

Il avait l'habitude d'enterrer ses salaires dans des sachets et les enterrer, ainsi que quelques marques géographiques. Mais un jour qu'il s'était absenté quelques semaines du camp, il revient, étonné de ne plus reconnaître la proximité de son domicile. Une nouvelle clôture en fer avait remplacé l'espace qu'il pensait reconnaître. Après 4 jours à creuser, les sommes enterrées avaient disparu. Il restera au lit à moitié malade et à moitié déprimé, pleinement sonné durant quelques jours. Il perd 5 kilos, après avoir perdu l'appétit.

 

2- Les billets déchirés

 

Cet autre jeune, songhaï, originaire de la région de Kidal au nord malien, et qui est pareillement animateur à Mberra. Son argent gagné à la sueur de son front est dans un coffre "wakandé" tel qu'on en voit partout en Afrique de l'Ouest. Un jour où il oublie de le cadenasser, son neveu de 3 ans entre dans sa tente, hors de la surveillance de sa mère, et déchire 2 ans de salaire.

Le choc est trop grand : déprimé, il démissionne, quitte le camp et rentre au Mali dont il n'est toujours pas revenu.

 

3- le vieux songhaï de Léré

 

L'entraide est grande entre les réfugiés voisins, dans le camp de M'Berra. Le vieux Souley a le coeur sur la main disent ceux qui le connaissent dans le camp. "Je vois rarement un vendredi passer sans que je ne l'aie vu distribuer des bonbons aux enfants, ou faire un geste pour un voisin ou un autre, dans de plus grandes difficultés que lui; il est généreux" témoigne sa nièce, installée dans le camp depuis 2 ans, après avoir fui Léré.

Cette générosité reconnue dans la zone 2, bloc 3 du camp va être mise à rude épreuve en ce saint vendredi : propre, frais, "envendredidé" pour la sainte prière qui approche, il se dirige vers la tente qui sert de mosquée dans leur bloc, quand il répond à une sollicitation d'une peule qu'il reconnaît. Tel qu'on en attend de lui, la main dans la poche, et un billet malaxé pour que la main gauche ne sache pas ce que la droite donne, et l'échange avec la peule se fait avec une effusion de remerciements émus, et de sourires.

De retour de la mosquée, surprise après avoir vérifié le contenu de sa poche : le billet qu'il a donné n'est pas celui qu'il pensait. Au lieu de 500, il a donné 5.000 ouguiyas. Quasi-syncope, sa nièce le relève, et le place à l'ombre. Les mains dans le dos dorénavant, la mine renfrognée, il longe ces jours-ci les tentes du HCR du camp.

 

4- Le calcul de l'enfant

 

7 têtes de moutons ou de chèvres à consommer entre la maman et ses amies, liste A.S. "La semaine du post-accouchement est extrêmement chère chez nous les touaregs; c'est la nouvelle maman et ses amies qui en profitent quasi-exclusivement. Ton ami que tu vois a bien perdu quelques kilos Wallahi!" se moque gentiment de lui un de ses cousins.

"Je ne suis pas un pingre", se défend A.S, "mais il faut reconnaître qu'avant de faire un enfant, je t'assure que tu dois bien calculer cette semaine-là! Elle est toute aussi importante que la dot du mariage chez nous!" justifie le jeune homme.

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